Au cours de l’année 2019, différentes mesures sont venues simplifier encore la procédure du changement de régime matrimonial, afin de permettre aux époux de le faire évoluer en fonction de leurs besoins.
En revanche, il a été mis fin, à compter du 1er janvier 2020, à l’exonération temporaire dont bénéficiaient certains apports immobiliers. Malgré ce retour à la normale en termes de publicité foncière, le changement de régime matrimonial demeure un outil patrimonial très performant, dont les avantages sont largement supérieurs au coût.

Nouvelles simplifications de la procédure de changement de régime matrimonial en 2019

A l’origine, le législateur estimait qu’un juge devait systématiquement valider la conformité du nouveau régime matrimonial adopté par les époux avec l’intérêt de la famille. Cette validation prenait la forme d’une homologation judiciaire. Elle a été supprimée à compter du 1er janvier 2007 pour les couples dont tous les enfants sont majeurs à la date de l’acte, sauf opposition de ces derniers ou des créanciers des époux. Cependant, en présence d’au moins un enfant mineur, l’exigence d’une homologation a perduré, avec comme conséquence un allongement de la durée de la procédure et un alourdissement de son coût, l’intervention d’un avocat étant alors nécessaire.

Depuis le 25 mars 2019, les changements de régime ne sont plus conditionnés systématiquement par un passage par le tribunal en présence de mineurs. C’est désormais au notaire qu’il revient de décider de saisir le juge des tutelles, s’il estime que les intérêts des enfants mineurs sont mis en péril par le nouveau régime matrimonial adopté. Ce sera probablement très rarement le cas. En effet, selon les chiffres de 2017 du ministère de la Justice, sur 1.500 décisions ayant statué sur une demande d’homologation de changement de régime matrimonial (en raison de la présence d’enfants mineurs ou d’une opposition d’un créancier ou d’un enfant majeur), on comptait 1.415 décisions d’acceptation totale, soit 94,33 %. En 2019 toujours, le délai de 2 ans à respecter entre le mariage et le changement de régime ou entre deux changements de régime successifs a été supprimé.

Fin de l’exonération fiscale temporaire pour l’immobilier à compter de 2020

En 2004, la loi de finances a revalorisé le barème servant à la détermination des valeurs de l’usufruit et de la nuepropriété pour la liquidation des droits d’enregistrement. À titre de mesure d’accompagnement, le législateur avait prévu une exonération temporaire, pendant 2 ans, de toute perception au profit du Trésor dans le cadre de changements de régimes matrimoniaux. Pourquoi cette mesure ? Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, le conjoint survivant était taxé lorsqu’il recevait des actifs par succession (droits de succession) mais exonéré lorsque le transfert de propriété s’opérait par le jeu des clauses du contrat de mariage. L’objectif de la mesure était donc de faciliter les changements de régimes matrimoniaux, permettant aux époux de bénéficier d’une protection en cas de décès échappant aux droits de succession.

L’exonération concernait surtout la taxe de la publicité foncière (TPF) et le salaire du conservateur, aujourd’hui devenu contribution de sécurité immobilière (CSI) qui étaient dus à l’occasion de la mise en communauté d’immeubles personnels ou propres à l’un des époux. En effet, cette mise en communauté a comme conséquence d’attribuer à l’un des conjoints des droits réels sur les biens apportés par l’autre, alors qu’il s’en trouvait initialement dépourvu. Cette exonération a été régulièrement prorogée, y compris après la suppression des droits de succession entre époux par la loi TEPA du 21 août 2007.

La loi de finances pour 2019 a mis fin à ce dispositif, avec une entrée en vigueur du rétablissement de la taxation (TPF et CSI) à compter du 1er janvier 2020. Concrètement, la fiscalité dont le rétablissement est prévu est négligeable s’agissant du droit d’enregistrement de 125 €. En revanche, elle peut s’avérer plus sensible concernant les biens immobiliers apportés à la communauté.

Ainsi, la taxe de publicité foncière au taux de 0,715 % et la contribution de sécurité immobilière de 0,1 % seront perçues sur la valeur de la quote-part du bien immobilier transmise au conjoint suite au transfert de propriété opéré par le changement de régime matrimonial.

Exemple : apport à la communauté par un époux d’un immeuble propre ou personnel d’une valeur de 1.000.000 €

Le coût du changement de régime matrimonial sera constitué comme suit :

  • les éventuels honoraires d’analyse de l’organisation de la situation patrimoniale du couple au regard de ses objectifs (selon les cas)
  • l’émolument notarié d’environ 0,35 % TTC de la valeur apportée à la communauté, soit 3.500 € dans notre exemple (1.000.000 € x 0,35 %)
  • des frais de l’ordre de 600 € TTC couvrant l’annonce dans un journal d’annonces légales, les notifications auprès du service de l’état civil, etc.
  • à compter du 1er janvier 2020, une taxe de 0,715 % au titre de la publicité foncière et une contribution de sécurité immobilière de 0,1 % sur la moitié de la valeur du bien dont l’autre époux devient propriétaire, soit un coût de 4.075 € dans notre exemple ([1.000.000 € / 2] x 0,815 %).

Attention : en cas d’apport à communauté d’un bien antérieurement détenu en indivision 50/50 par les deux époux, aucune de ces deux taxes ne sera due. Pour un bien détenu 75/25, seuls les 25 permettant à l’époux minoritaire d’atteindre 50% seront soumis taxés à 0,815%.

Changement de régime signé en 2019 et publicité foncière en 2020

A la lettre du texte, et en se référant à la pratique ancienne, les actes authentiques portant changement de régime matrimonial signés en 2019 devraient rester exonérés pour les apports immobiliers à la communauté, même s’ils sont publiés en 2020. Cependant, ni l’administration fiscale ni le gouvernement n’ayant confirmé cette analyse, une autre lecture est envisageable au niveau des Services de Publicité foncière. Ces derniers pourraient se placer à la date à laquelle l’acte leur serait effectivement transmis pour déterminer la fiscalité applicable. Or cette transmission au service de la publicité foncière en vue d’effectuer les formalités ne peut intervenir avant la fin du délai d’opposition de 3 mois ouvert aux enfants majeurs et aux créanciers.

Pour les actes signés à compter du 1er octobre 2019, et lorsque le transfert de propriété opéré est soumis à la publicité foncière, il est donc impossible de garantir que ce coût de 0,815 % ne sera pas réclamé au titre des biens immobiliers apportés à la masse commune. En revanche, il est certain que ce coût devra être acquitté pour les changements de régime intervenant à compter du 1er janvier 2020.

Évolution du régime matrimonial, un outil patrimonial à forte valeur ajoutée

Même si la loi a amélioré le sort du survivant au sein d’un couple marié qui n’aurait rien anticipé, une donation au dernier vivant ou un testament en faveur du conjoint constitue un minimum indispensable pour améliorer la protection au sein du couple, en quantité et en qualité. En complément, il demeure néanmoins très souvent souhaitable de modifier le régime matrimonial du couple, notamment :

➡ pour aller plus loin en termes de protection
➡ pour donner une vraie autonomie de décision au conjoint survivant
➡ pour simplifier la liquidation de la succession, notamment lorsqu’il existe des récompenses ou des créances entre époux à liquider
➡ pour faciliter la transmission aux enfants.

Sans compter que si une évolution législative fiscalise à nouveau le conjoint survivant, il est probable qu’elle préserve l’exonération qui accompagne traditionnellement les transferts de propriété par le biais du contrat de mariage.

En présence d’une famille ne comportant que des enfants communs, les avantages matrimoniaux en faveur du conjoint sont sans limite, pouvant aller jusqu’à une attribution intégrale de tout le patrimoine. Avec des enfants non communs, la refonte doit simplement intégrer leur droit à percevoir leur part de réserve, au décès de leur auteur.

Les bénéfices d’un changement de régime matrimonial sont généralement sans commune mesure avec le coût de l’adaptation. En complément des autres outils de protection entre époux, il génère une forte valeur ajoutée dans toute stratégie patrimoniale et familiale « sur mesure ».